Au fil de l’eau : analyser le fonctionnement écologique des cours d’eau intermittents

Pendant plusieurs semaines en février et mars, une équipe du Laboratoire interdisciplinaire des environnements continentaux (LIEC), basé à Metz, a étudié le fonctionnement des cours d’eau intermittents autour du Centre de Meuse/Haute-Marne. Leur outil d’étude ? Des feuilles d’érables, qui sont d’excellents indicateur du fonctionnement et de la santé globale de ces milieux aquatiques.

Rivière

Nous suivons aujourd’hui sur le terrain, Philippine, doctorante Andra/Université de Lorraine depuis octobre 2023, à l’Observatoire pérenne de l’environnement (OPE). Accompagnée de son équipe d’encadrement universitaire et de son référent Andra, elle réalise des prélèvements sur « ORM 1 », l’une des stations de mesure, sur le ruisseau de l’Ormançon.

« Nous sommes au sein d’un système karstique*, où les cours d’eau réagissent très rapidement aux fortes pluies comme aux périodes de sécheresse », explique Philippine.

L’objectif de cette étude est d’améliorer la connaissance des cours d’eau intermittents, susceptibles d’être influencés par le projet Cigéo, en les comparant aux cours d’eau permanents. Ces milieux restent encore peu étudiés en France, à l’exception des régions méditerranéennes.

Des feuilles pour mesurer la santé des cours d’eau

L’étude en cours cherche à évaluer le fonctionnement écologique de ces systèmes en mesurant la vitesse de dégradation dans l’eau de la matière organique (ici des feuilles d’arbres) et en inventoriant la microfaune aquatique qui réalise cette dégradation.

En effet, en plus de l’abrasion et du lessivage liés aux mouvements de l’eau, l’action des micro-organismes (bactéries, champignons…) et des invertébrés est déterminante pour la dégradation de la matière organique de ces cours d’eau intermittents situés en tête de bassin versant.

La dégradation de la matière organique apportée par les écosystèmes environnants impacte la qualité des cours d’eau, il est donc important d’en comprendre son mécanisme. Pour autant, elle n’est pas prise en compte à l’heure actuelle dans les critères d’évaluation de la qualité des cours d’eau. Cette étude pourra donc ainsi complémenter le suivi réglementaire réalisé dans le cadre du suivi de la qualité des eaux de l’OPE pour l’étude d’impact Cigéo.

Un protocole de prélèvement rigoureux

Les prélèvements ont débuté mi-février avec l’installation de filets à mailles permettant de laisser passer ou de bloquer certains êtres vivants impliqués dans la dégradation des feuilles. Ils ont été réalisés chaque semaine jusqu’à mi-mars, avec des relevés à différentes étapes (T0 mi-février, puis semaine +1, +3 et +5).

En parallèle, plusieurs paramètres de l’eau sont mesurés, comme le pH, la température et le taux d’oxygène, qui influencent également le processus de dégradation et donnent des indications sur la vitalité des micro-organismes.

Pourquoi l’érable ?

En 2024, l’étude a inclus également des feuilles d’aulne, mais l’érable reste un choix privilégié. Sa vitesse de dégradation intermédiaire et son utilisation dans de nombreuses études permettent une comparaison efficace des résultats.

Les échantillons sont envoyés au laboratoire du LIEC à Metz, où différentes analyses sont réalisées :

  • Mesure de la perte de masse des feuilles pour évaluer leur niveau de dégradation ;
  • Inventaire des invertébrés piégés dans les filets ;
  • Analyse de la biomasse fongique, indicatrice de l’activité des champignons présents.

Grâce à ces travaux, les chercheurs affinent leur compréhension des cours d’eau intermittents, des écosystèmes aquatiques que l’on rencontre de plus en plus fréquemment en raison du dérèglement climatique mais qui sont encore peu explorés.

*Un système karstique est un ensemble géologique formé dans des roches calcaires, caractérisé par des cavités souterraines et une circulation rapide de l’eau.